Recours à une main-d’œuvre externe ? Saisissez l’opportunité, mais respectez les règles !

Les entreprises évoluent aujourd’hui dans un climat d’incertitude. Le marché du travail reste tendu, les perspectives économiques sont fluctuantes, et le besoin de flexibilité ne cesse de croître. Faire appel à une main-d’œuvre externe – via la sous-traitance, le détachement, l’intérim ou l’emploi intra-groupe – semble donc une démarche logique. Cette approche exige toutefois une analyse juridique rigoureuse. En Belgique, la législation fixe des limites claires à de telles collaborations, notamment en ce qui concerne l’interdiction de mise à disposition de travailleurs et l’interdiction de sous-traitance financière, et impose une gestion correcte des ressortissants de pays tiers (travailleurs hors UE/EEE ou Suisse).
La qualification juridique de la coopération est d’une importance fondamentale. Un contrat de travail est défini comme un accord par lequel un travailleur s’engage à effectuer un travail, contre rémunération, sous l’autorité d’un employeur. Trois éléments sont donc constitutifs : travail, rémunération et autorité patronale. C’est justement la notion d’autorité patronale qui joue un rôle central dans l’évaluation des formes de collaboration. Elle implique le droit de diriger et de contrôler le travail, droit qui revient exclusivement à l’employeur. Le transfert de cette autorité patronale à un tiers est contraire aux règles fondamentales et constitue une mise à disposition de travailleurs interdite.
Le principe de l’interdiction de la mise à disposition de travailleurs est inscrit dans la législation belge. La loi interdit à toute personne physique ou morale de mettre ses travailleurs à disposition de tiers qui les utilisent et exercent sur eux une partie de l’autorité patronale réservée à leur employeur. Cette disposition laisse peu de place à l’interprétation : l’exercice de l’autorité sur le personnel d’un tiers est en principe interdit, sauf si une exception légale (telle que le travail intérimaire ou certaines formes d’emploi intra-groupe, sous réserve de l’accomplissement de formalités préalables) est applicable.
Instructions autorisées par l’entreprise utilisatrice
La loi autorise toutefois l’entreprise utilisatrice (le client) à donner, dans le cadre d’une collaboration, des instructions limitées au personnel du prestataire de services (entrepreneur) externe. Ces instructions doivent :
- concerner le respect des règles en matière de bien-être au travail ;
- concerner l’exécution du travail convenu aux méthodes de travail à suivre et aux tâches à accomplir, à condition que ces instructions soient formulées de manière expresse et écrite.
Par contre, les éléments essentiels de l’autorité patronale du prestataire de services ne peuvent pas être transférés. Dès lors, l’entreprise utilisatrice ne peut en aucun cas intervenir dans :
- Le recrutement ou la demande de permis de travail ;
- La négociation du salaire, le paiement de ce salaire ou le paiement des cotisations sociales ;
- Les conditions de travail, l’évolution de carrière, la nature du travail ou la rupture du contrat.
Sous-traitance et projectsourcing : droit d’instruction strictement limité
En cas de sous-traitance ou projectsourcing, l’autorité patronale reste entièrement entre les mains de l’entrepreneur ou du prestataire de services. Les travailleurs sont affectés à l’exécution d’une mission concrète définie contractuellement entre les deux parties. Bien que ces activités soient exercées sur le site du maitre d’ouvrage/client ou pour le compte de celui-ci, à la demande de l’employeur, elles restent sous l’autorité exclusive de leur employeur légal.
Un utilisateur (client) qui fait appel à un entrepreneur ou à un prestataire de services peut, pendant l’exécution des travaux, donner des instructions relatives aux règles de bien-être en vigueur dans son entreprise, par exemple des mesures de sécurité.
D’autres instructions ne sont toutefois autorisées que si trois conditions cumulatives sont remplies :
- Contrat écrit : il doit exister un contrat écrit entre l’utilisateur et le prestataire de services, qui décrit de manière expresse et détaillée les instructions que l’utilisateur est autorisé à donner aux travailleurs du prestataire de services.
- Limitation aux instructions autorisées : Le droit de donner des instructions de l’utilisateur ne peut porter atteinte à l’autorité patronale du prestataire de services, et son application dans la pratique doit également être strictement conforme aux dispositions écrites.
- Obligation d’information : L’utilisateur doit informer le conseil d’entreprise de l’existence de cet accord. Sur demande, une copie des dispositions relatives aux instructions doit être transmise. Si l’utilisateur refuse, l’accord est considéré comme nul et la collaboration est qualifiée de mise à disposition interdite. En l’absence de conseil d’entreprise, ces informations doivent être communiquées au comité pour la prévention et la protection au travail. À défaut, elles doivent être transmises à la délégation syndicale. S’il n’y a pas non plus de délégation syndicale, cette procédure d’information ne n’applique pas.
Sanctions
Si un utilisateur donne des instructions (différentes) aux employés de l’entrepreneur ou du prestataire de services sans respecter les conditions susmentionnées, tant l’utilisateur que l’entrepreneur ou le prestataire de services s’exposent à des sanctions sévères :
- L’employeur qui met des travailleurs à disposition (à savoir l’entrepreneur ou le prestataire de services) s’expose à des amandes pénales (de 1 600 EUR à 16 000 EUR) ou administratives (de 800 EUR à 8 000 EUR).
- Le risque le plus important incombe à l’utilisateur. Celui-ci encourt une sanction de niveau 4 (c’est-à-dire le niveau le plus sévère) pour non-respect de la déclaration DIMONA (= travail au noir), étant donné que les travailleurs mis à disposition seront considérés comme des employées de l’utilisateur, soit l’emprisonnement de 6 mois à 3 ans et/ou une amende pénale de 4 800 EUR à 56 000 EUR, ou d’une amende administrative de 2 400 EUR à 28 000 EUR. Pour les entreprises, la peine d’emprisonnement est convertie en une amende de 24 000 EUR à 576 000 EUR.
- Tant l’utilisateur que l’entrepreneur ou le prestataire de services seraient solidairement responsables du paiement des cotisations de sécurité sociale, des salaires, des indemnités et autres prestations découlant du contrat de travail.
Les montants sont multipliés par le nombre de travailleurs concernés (avec un maximum de 100).
Interdiction de la sous-traitance financière (depuis le 1er janvier 2025)
Depuis le 1er janvier 2025, une interdiction supplémentaire de la sous-traitance financière s’applique dans les secteurs de la construction, de la viande et du déménagement. Cette nouvelle réglementation vise à lutter contre le dumping social et à promouvoir des structures de sous-traitance plus transparentes et horizontales.
Qu’est-ce qui est interdit ?
Il est interdit à un sous-traitant de sous-traiter l’intégralité des travaux qui lui ont été confiés, ou de faire appel à plusieurs sous-traitants et d’agir lui-même uniquement en tant que coordinateur sans effectuer de travaux proprement dits.
Chaque sous-traitant doit effectuer lui-même une partie concrète et exécutive du travail, avec un minimum de 1 % des travaux. La simple exécution de tâches de coordination n’est pas suffisante. Cette interdiction ne s’applique toutefois pas aux promoteurs immobiliers, aux entrepreneurs généraux ou aux maîtres d’ouvrage, qui peuvent toujours déléguer l’intégralité du marché.
Emploi correct des ressortissants de pays tiers
Enfin, les entreprises doivent faire preuve d’une diligence particulière lorsqu’elles emploient des ressortissants de pays tiers, c’est-à-dire des travailleurs originaires de pays situés en dehors de l’Espace économique européen ou de la Suisse. Ces travailleurs ne peuvent être employés en Belgique que s’ils sont en possession des permis de travail et de séjour requis.
À partir du 1er janvier 2026, une nouvelle obligation de diligence sera introduite en Flandre pour les entrepreneurs et probablement aussi pour les maitres d’ouvrage professionnels afin de prévenir le travail illégal de ressortissants de pays tiers. Les entrepreneurs (et les maitres d’ouvrage professionnels) seront tenus de demander à leurs sous-traitants ou entrepreneurs directs des documents supplémentaires, notamment les permis de séjour et de travail du personnel et des indépendants. Ces documents doivent démontrer qu’il n’y a pas de travail illégal. Ils doivent être téléchargés dans une base de données qui reste à développer.
Bien que la législation n’entrera en vigueur qu’en 2026, la prudence reste de mise. Les entrepreneurs et les la prudence reste de mise peuvent déjà être tenus responsables si l’inspection sociale peut prouver qu’ils avaient connaissance de l’emploi illégal de travailleurs par leurs sous-traitants ou entrepreneurs.
L’importance du contrat
Il est essentiel que les entreprises consignent des accords clairs et détaillés dans leur contrat écrit. Ce contrat doit non seulement définir les rôles et responsabilités spécifiques des parties, mais également contenir les clauses nécessaires permettant maître d’ouvrage de se protéger contre d’éventuelles responsabilités. Le contrat constitue donc une base juridique solide pour une collaboration responsable. Les entreprises doivent toutefois être conscientes que, malgré l’existence de clauses et déclarations écrites appropriées, c’est la situation réelle qui prime. Le strict respect des dispositions convenues est donc essentiel pour éviter tout risque juridique.
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